A grands renforts de publicité, le ministre a annoncé la refondation de l’Education prioritaire, avec allègement de service pour les enseignants et augmentation des indemnités. Mais à regarder le projet de plus près, il y a loin de la coupe aux lèvres. La refondation de l’Education prioritaire, c’est la préfiguration de l’individualisation des droits pour tous et de la mise en place d’établissements autonomes, avec, au passage la destruction des garanties statutaires des enseignants fonctionnaires d’Etat.
Un projet de réseau renforcé ;
Le travail en équipe intensifié ;
Un accueil des parents chaque matin ;
Les nouveaux enseignants mis sous tutelle de leurs pairs ;
une liaison étroite avec les « partenaires » de l’éducation (collectivités locales, associations, autres administrations…) ;
une évolution des pratiques et des organisations pédagogiques et éducatives instituée ;
des liens encore renforcés entre le 1er et le 2nd degré ;
Une évaluation régulière des dispositifs.
Ce référentiel comprend six principes d’actions pédagogiques et éducatives qui s’imposeront dans toutes les REP+, puis à tous ensuite :
Garantir l’acquisition du « Lire, écrire, parler » et enseigner plus explicitement les compétences que l’école requiert pour assurer la maîtrise du socle commun ;
Conforter une école bienveillante et exigeante ;
Mettre en place une école qui coopère utilement avec les parents et les partenaires pour la réussite scolaire ;
Favoriser le travail collectif de l’équipe éducative ;
Accueillir, accompagner, soutenir et former les personnels ;
Renforcer le pilotage et l’animation des réseaux.
(la liste ci-dessous n’est pas exhaustive)
Des moments de travail en équipe sont spécifiquement consacrés aux pratiques de lecture et d’écriture.
La co-présence enseignante en classe est pratiquée régulièrement.
Un espace est prévu et animé par l’équipe éducative et notamment des enseignants pour recevoir les parents. Des rencontres conviviales sont organisées.
Des journées « portes ouvertes » ou « classes ouvertes en activité » sont organisées.
Des actions d’information et d’échanges avec les parents prennent place dans les écoles ou collèges.
Les liens sont établis avec les associations péri-éducatives existantes (sport, culture, santé, citoyenneté...).
Les temps de travail en équipe sont institués dans les emplois du temps, dans les écoles et dans les établissements.
Un temps de travail est consacré aux relations entre premier et second degré en appui sur le conseil école/collège.
Une démarche d’auto-évaluation est conduite dans le réseau.
…
- Une décharge de 9 journées pendant l’année scolaire dans les REP +.
Cette décharge de service revient en moyenne à diminuer les obligations de cours à 1 heure 30 par semaine. Mais ce temps est annualisé : les droits ne seront donc pas les mêmes pour tous, ils pourront suivant les cas (et les désidératas des supérieurs) être organisés à la semaine, au mois, au trimestre ou à l’année. C’est l’individualisation des droits.
Ce temps est dédié à la formation, au travail en équipe et au suivi des élèves.
Cette disposition crée une brèche dans le service des enseignants du 1er degré qui était jusque maintenant le même pour tous. Il crée une discrimination supplémentaire entre les enseignants en REP+, seuls concernés par cette décharge de service, et ceux qui sont en ZEP ou qui ne le sont pas. C’est l’inégalité renforcée.
- Une indemnité majorée.
La première chose à retenir sur ce point, c’est que cette majoration n’entrera en vigueur qu’en 2015. Ensuite, elle ne sera pas la même pour tous (+ 100 % dans les REP +, mais seulement à partir de 2016), +50% dans les REP « ordinaires » à partir de 2015. Là encore une différence de traitement supplémentaire. Cette augmentation se fait à moyens constants (« Il n’y aura pas un euro de plus, mais je les affecte différemment. » V. Peillon sur RTL le 15 janvier). Le projet Peillon ne fait jamais référence à la part variable ECLAIR. Personne ne sait ce qu’elle devient. Tout ce qu’on sait, c’est qu’elle sera intégrée à la part fixe de l’indemnité ECLAIR l’an prochain.
Les postes de directeurs deviennent des postes à profil et les nouveaux arrivants passent un entretien pour pouvoir postuler sur un poste en réseau, ils sont ensuite mis sous tutelle. Les enseignants qui assureront les décharges de service seront, eux aussi, des postes à profil.
Avec le travail en équipe renforcé, les nouvelles pratiques pédagogiques et éducatives instituées, la co-présence enseignante en classe, la mise en place de groupes de besoins, les échanges inter-cycles et inter-degrés … : le service des enseignants est complètement individualisé et défini localement, le schéma « un maitre/une classe » devient obsolète.
La stabilité des équipes sera fortement encouragée. Le projet parle d’incitation forte. Le droit au mouvement serait-il remis en cause ?
C’est pourtant ce cadre réglementaire et national qui garantit nos droits égaux partout sur l’ensemble du territoire. Avec le projet Peillon, tout cela vole en éclat.
Les dotations dans les académies et les départements sont déjà totalement insuffisantes au regard des moyennes d’élèves par classe qui n’ont pas diminué depuis les coupes orchestrées par le précédent ministère (- 80 000 postes entre 2005 et 2012 et qui n’ont pas été rétablis par la nouvelle majorité. Aujourd’hui, au lieu d’ouvrir les classes nécessaires et indispensables, les dotations, ou du moins une partie de celles-ci seraient ainsi utilisées pour ce nouveau dispositif. C’est scandaleux quand des classes de plus en plus hétérogènes dépassent 25, 26, 27,28, 29, et 30 élèves et plus.
Mais des inspecteurs d’académie ont déjà prévenu qu’ils pourraient redéployer des postes du réseau même pour dégager les postes nécessaires aux décharges de service.
Il en va de même pour postes d’infirmières et d’assistantes sociales attribués aux REP que le ministre annonce.
Les ZEP, non concernées par la réforme, sortiront à terme complètement du réseau prioritaire.
Partout, il s’agit de déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Avec, la refondation de l’école prioritaire, ce sont bien toutes les garanties des enseignants fonctionnaires d’état qui sont remises en cause. Loin d’améliorer les conditions de travail des enseignants, les nouvelles contraintes liées au nouveau projet Peillon les alourdiront. L’individualisation des droits définis par le réseau ouvre grand la porte l’autonomie des établissements.
Tout le monde est concerné !
Aujourd’hui dans les réseaux d’éducation prioritaire, demain partout dans tous les collèges et les écoles. Nous ne pouvons laisser ainsi brader notre statut. Nous ne pouvons accepter cette nouvelle détérioration de nos conditions de travail.